LE VOYAGEUR INCORPOREL

XI
Onzième rencontre

Onzième leçon

Une vie antérieure – Jésus – À Gethsémani

JEAN DEVAIT ME PARLER DE JESUS et de son enseignement. Je me préparai à cette rencontre car pour moi, le Maître Jésus était un exemple : sa douceur, sa beauté, sa force intérieure… Il est toujours resté en contact avec son Père/Mère, sans jamais renier ni le ciel ni la terre.
Je me demandais ce que Jean allait me dire à son sujet ; j’espérais que ce ne serait pas l’histoire biblique ! Mais je verrai bien… Et je m’endormis en rêvant du Maître Jésus.
La lueur familière de mon maître éclaira ma chambre et la silhouette de Jean m’apparut dans une belle lumière bleue. D’un geste, il me fit signe de le suivre ; je me levai très vite car je sentais qu’un événement allait se produire, relevant du sacré…

— Alors, comment vas-tu, petit ?
— Bien ! De toute façon, je vais bien chaque fois que je vous voie. Je préfère cette vie avec vous à celle que je vis chaque jour.
— Hum, attention, Kyrios, ne préfère pas la vie onirique à la vie de tous les jours, reste neutre ! Cette vie onirique est là seulement pour te révéler certaines vérités, que tu connais déjà à l’état latent.
— Je sais, Jean, je dois être neutre, mais, tout de même, je puis préférer notre rencontre à autre chose !
— Comme tu le désires, mais sois au centre, afin de vivre l’unique instant, le présent.
— Oui, et l’expérience de cet instant.
— Bien. Lors de notre dernière rencontre, je t’ai dit que je te parlerai du Maître Jésus et de sa mission sur terre auprès des hommes/femmes.
— Je peux vous demander quelque chose, avant ?
— Je t’écoute.
Est-ce dans la Bible ?
Oui et non, oui à dix pour cent et non à quatre-vingt-dix pour cent.

« Voilà qu’il me parle en pourcentage ! Il ne peut pas me dire simplement oui ou non ? Au lieu de cela il me répond “dix et quatre-vingt-dix” !»

— Alors, Kyrios, l’écureuil tourne sa roue ?
— Oui, pourquoi dix et quatre-vingt-dix ?
— Juste pour te taquiner, petit !
— Bon, bon, j’ai encore fait tourner l’écureuil, mais, vous savez, l’écureuil, c’est l’épargne.
— En tout cas, ton écureuil à toi, il ne t’épargne pas !

Je me mis à rire, Jean aussi…

— Bon, commençons notre étude sur la vie de Jésus et ce que l’Église a caché. Nous partons pour un petit voyage dans le passé, à l’époque de Jésus.
— Nous allons voir Jésus ? Comment est-ce possible ?
— N’oublie pas : dans le monde onirique tout est possible !
— Je suis prêt, Jean. Vite, allons rejoindre le Maître Jésus !

 

Jean m’invita à m’allonger et à respirer calmement :
— À présent, imagine la silhouette écrue du maître Jésus, tout en répétant son nom sur l’inspiration et l’expiration. Sois calme, Kyrios, prends conscience du centre de ton front, et continue à respirer lentement, profondément.

Je sentais une grande fraîcheur au front, et l’impression bizarre qu’un disque de lumière y était posé. Jean continuait à me parler, d’une voix qui m’engourdissait et me plongeait dans diverses sensations…
— Imagine un tunnel blanc et, au bout, perçois la silhouette de Jésus qui t’invite à le suivre. N’aie crainte, je te suis, je suis juste derrière toi.

Je me sentais attiré par cette forme lumineuse au loin. J’étais confiant car je savais que Jean était derrière moi, même si je ne le voyais pas.

— Voilà, continue, sois calme. Ce tunnel est la porte vers ton passé. Aujourd’hui, tu vas avoir accès à une vie antérieure…

Lorsque je sortis du tunnel, je me trouvai dans un paysage différent, une atmosphère différente ; Jean me sourit avec tendresse.
— Alors, petit, que ressens-tu ?
— Je ne peux dire ce que je ressens, c’est indescriptible, comme si je connaissais ce lieu, cette époque ! Jean, est-il possible qu’un jour j’ai vécu ici ?

— Je ne peux répondre à ta question, petit, mais sois patient et tu découvriras ce qui doit être découvert.
— Où est Jésus ?
— Regarde, il est sous cet arbre, en prière !

Je me tournai dans la direction que Jean m’indiquait et je vis Jésus en prière sous un olivier.
— Va vers lui, va lui parler.
— Je ne puis le déranger, il est en prière ! Qui suis-je pour aller le trouver ? Peut-être ne voudra-t-il pas me parler ?
— Je te dis, petit, va vers lui, il t’attend ! Je reste ici, va !

Je me dirigeai vers le jardin où Jésus était en prière ; plus j’avançai, plus grandissait en moi une sensation bizarre : un feu brûlait mes entrailles. Tout à coup, alors que j’étais à quelques mètres de lui, Jésus tourna la tête dans ma direction et son regard profond et étincelant croisa le mien. Des éclairs d’amour jaillirent de ses yeux en pénétrant dans les miens. J’avais la sensation que Dieu me regardait et m’invitait à Le rejoindre. Jésus me dit :
— En vérité, en vérité, la vie n’est jamais interrompue, ni ici-bas ni dans le monde de l’esprit. Tout est lié par un lien éternel. Le temps, l’espace n’existent pas, pas plus que la mort et la vie.

La voix du Seigneur était douce, posée, vibrante d’amour ; elle me soulevait dans l’éther le plus haut. Je pensai qu’il ne pouvait y avoir plus belle voix que celle de Dieu qui parle à travers un homme ! Chacun de ses gestes était majestueux. J’étais devant Jésus, le seigneur de mon âme, mais une question tambourinait dans ma tête : « Pourquoi Jean m’a-t-il amené ici ? Pour quelle raison mystérieuse suis-je ici ? » Mais je connaissais les façons de Jean, il ne faisait rien au hasard.
Jésus interrompit mon écureuil mental :
Ton époque n’est pas encore réalisée ici, mais je sais ce qu’il s’y passe, Kyrios : le sacré a perdu sa flamme et le progrès est devenu le maître.
— Puis-je vous poser une question, Maître ?
— Je t’écoute, fils !
Avez-vous créé l’Église comme elle est instituée à présent ? Êtes-vous d’accord avec tous les crimes qu’elle a commis en votre nom ?
— Je vois la colère dans ton cœur, Kyrios. Ne la laisse pas t’envahir : elle ne conseille pas d’agir avec sagesse, elle emporte l’homme et engendre des douleurs sans nombre. Non, jamais je n’ai voulu créer d’Église ou d’institution de ce genre.

Je n’ai pas dit à Pierre : « Tu es ma première pierre », je lui ai dit : « Va, porte l’enseignement ; où tu seras je serai. Sois la pierre qui soutient, sois la première pierre qui formera le temple. » Cela signifie qu’il devait être le témoin de l’enseignement et qu’à son contact les autres deviendraient la pierre, l’édifice du temple de Dieu. Je n’ai pas dit à Pierre de créer une Église ni une institution, car Je suis est libre et enseigne la liberté. La nature, notre Mère, est le seul temple où nous devons célébrer l’union avec mon Père céleste.

Je n’ai pas dit non plus : « Va et tue celui qui n’est pas en accord avec la parole de mon Père » ! Ils ont fait de mon Père le Dieu d’une religion intolérante, violente, sans amour. Ils sont les apôtres du mal. L’inquisition est une œuvre du démoniaque. Je ne reconnais nullement cette institution qu’est l’Église, car elle divise pour régner, tout comme le Satan du monde. Il n’est pas bon de se servir de la force pour instituer une idée. Mon Père est le Père de tous, il s’exprime dans chaque tradition suivant l’évolution du peuple.

La plus haute vérité de l’homme/femme est dans la compréhension que nous ne sommes pas séparés de Dieu puisque nous sommes issus de Lui. Comprendre cela et le réaliser signifie que nous sommes vraiment un enfant de la Lumière. Tout comme moi, tu peux faire l’expérience du Père et proclamer : « Moi et le Père nous sommes un », car, en vérité, nous sommes à jamais un avec Lui et cela pour l’éternité.
Fils, regarde, que vois-tu ?
— Je vois de la lumière, Seigneur.

Jésus me demandait de fixer sa poitrine : son thorax était resplendissant de lumière. Il y plongea sa main droite et en sortit son cœur de lumière éblouissante :
Voici le cœur qui a tant aimé l’homme. Je te donne mon sacré cœur afin de combattre les serpents et les scorpions.

Il mit son cœur dans mon cœur et je sentis à la fois toute sa tristesse et tout son espoir.

— Il est temps maintenant de me préparer. Tu peux me suivre, Kyrios. Sois le témoin de ce qui va se passer ici.
— Seigneur, où sommes-nous ?
— À Gethsémani, dans le jardin des Oliviers !

Là, je ressentis la frayeur : le jardin des Oliviers, où Jésus fut arrêté par les soldats de Caïphe !
— N’aie crainte, fils. Sois le spectateur de ce qui va se produire ici. Ils ne peuvent te faire du mal, ils viennent se saisir de moi, comme d’un voleur. Sois spectateur de l’ignorance de ce peuple et vois celui qui partagea le pain me donner le baiser de la trahison. Ce n’est pas vraiment sa faute, il croit bien faire ; il voudrait tellement que je monte une rébellion, que je prenne part à leur tuerie ! Mais comment le Fils de la Vie pourrait-il prendre part au festin de la mort ?

Mon âme pleurait tandis qu’une foule grondante arrivait près de Jésus. Judas s’approcha. Jésus lui tendit les mains pour l’accueillir :
— Va, fais vite ce que tu as à faire, Judas ! Accomplis ta besogne.
— N’aie crainte, Rabbi, tout est arrangé, tu vas pouvoir t’entretenir avec le sanhédrin. Ils t’attendent, ils ont accepté de t’entendre.
— Qu’as-tu fait, Judas !

 

 

Judas embrassa Jésus et les soldats entourèrent le Seigneur. Mais un homme qui se trouvait près de lui sortit une épée et frappa l’un d’eux ; le soldat poussa un hurlement de douleur en se tenant la joue. Son oreille avait été emportée par l’épée, et sa joue était entaillée. Jésus se tourna vers l’homme :
— Pourquoi prendre l’épée ? Celui qui prendra l’épée devra mourir par l’épée ! N’as-tu rien compris à ce que j’ai dit : « Aimez l’ennemi et l’ami comme un seul et même homme » ? Remets ton épée à la ceinture et laisse l’œuvre de mon Père s’accomplir ici.

Tout comme on presse l’olive pour en retirer l’huile, le Fils de l’homme sera également pressé pour que le sang de la vie soit bu par la terre, afin de nourrir la multitude.
Il suffit que je demande à mon Père de m’envoyer une légion d’anges pour qu’il le fasse sur-le-champ. Je n’ai nul besoin de l’épée ni d’aucune arme pour me défendre, car je n’ai rien à défendre, sinon la volonté de mon Père.

Si tu prends l’épée pour défendre ma cause, tu ne peux être mon disciple, car mon disciple est celui qui fait œuvre de paix et d’amour. Mais je pardonne ton geste, il partait d’un bon sentiment.

Sur ce, Jésus se baissa et ramassa l’oreille du soldat Malchus ; en soufflant dessus, il lui dit :
— Va, et ne pèche plus. Ne dis pas ce qu’a fait le Fils de l’homme pour toi dans ce jardin ce soir.

Malchus était étonné, il ne savait plus que faire ; les cris le ramenèrent à la dure réalité, celle de se saisir du Seigneur Jésus.
— À mort le faux prophète, oui, à mort !

D’autres s’agitaient en scandant l’incantation de la stupidité :
— À mort le faux prophète, à mort, à mort !

Deux soldats se saisirent de Jésus en l’entourant. La meute les suivait. Les apôtres étaient cachés plus loin, car Jésus leur avait dit :
— Tenez-vous à l’écart ce soir, car, en cette nuit la plus noire, le Fils de l’homme va être livré en pâture pour la gloire de son Père…

Seuls Pierre, Jacques et Jean étaient auprès du Seigneur, lorsque les soldats et la foule étaient venus se saisir de lui, et il leur dit :
— N’ayez crainte, ils viennent se saisir du Fils envoyé par le Père. Allez dire aux autres ce qui s’est passé. Ensuite, vous attendrez le troisième jour et je reviendrai parmi vous, avant d’aller à mon Père vous préparer une place auprès de moi.
Jean dit à Jésus :
— Ne puis-je te suivre, Rabbi ?
Non, Jean. Va auprès des autres et attends !
Pierre insista :
— Seigneur, laisse-moi venir avec toi !
— Pierre, le coq chantera trois fois et trois fois tu diras « Je ne connais pas cet homme ! »
— Non, Seigneur, non, laisse-moi venir avec toi !
Allez en paix et sachez que le Fils de l’homme doit accomplir l’œuvre de son Père. Le pain que je dois manger, je dois le manger seul. Plus tard, vous aussi vous mangerez et vous boirez le pain et le vin de l’épreuve.

Les pas des soldats s’accélérèrent, la meute salivait au goût du sang. L’un des soldats dit aux autres :
— Ceux-là aussi sont avec lui ; il serait bon de les amener à Caïphe !
— Oui, je les vois souvent avec lui ! ajouta un autre
— C’est moi que vous voulez, alors laissez ceux-là en paix. C’est moi, et seulement moi, que veut voir le sanhédrin, intervint Jésus.
— Laissons ceux-là aller, j’ai ordre de ramener uniquement Jésus, trancha un soldat gradé.

Et la troupe se dirigea vers le sanhédrin. Je sentais la violence monter en moi, une violence due à leur ignorance. J’avais envie de prendre l’épée et de tuer tous ces ignorants ! D’ailleurs, lorsque je suis confronté à l’ignorance, j’ai toujours envie de taper dessus.
Une main sur mon épaule me fit sursauter. C’était Jean, mon Maître :

Laisse passer la colère, laisse passer la colère, elle presse le cœur. Ce que tu vois appartient à l’histoire, Kyrios, tu ne peux ni intervenir ni changer quoi que soit.
— Pourquoi, Jean ? Pourquoi Jésus, qui est l’amour incarné, doit-il passer par la mort, pourquoi ?
— La religion catholique dit que la mort de Jésus rachète les péchés de l’humanité. Le crois-tu, Kyrios ?
— Je ne pense pas.
— Effectivement. Comment le Père céleste pourrait-il sacrifier son Fils bien-aimé, en disant aux hommes : « C’est à cause de vos péchés que le Fils de Dieu est mort ! » au lieu de dire : « C’est à cause de l’ignorance des anciens que le Fils va mourir. » Aucun homme ne peut racheter le péché d’un autre, petit !
— Même Jésus ?
Jésus peut, s’il le veut, racheter le péché de celui qui vient vers lui, à une seule condition : que celui qui demande le fasse sincèrement, pour que la purification karmique puisse avoir lieu.
— Sans demande, la levée karmique ne peut donc pas avoir lieu ?
— Non, petit !
— Mais Jésus en donnant sa vie n’a-t-il pas en même temps fait volontairement acte de rachat ? Je veux dire : s’il a vu qu’il ne pouvait en être autrement, peut-être s’est-il dit : « Puisque je dois mourir pour la cause de la Lumière, Père, fais en sorte que cette mort soit utile pour l’humanité et qu’elle rachète ses péchés et ceux de mes disciples ! »
— Il aurait pu faire cela, petit, et d’ailleurs qui te dit que ce n’est pas le cas ?
— Ce n’est pas dit dans la Bible.
— Ce qui n’est pas dit reste à dire, petit ! Allez, il est temps pour toi de repartir dans ton monde, Kyrios !